"...Les fougueux n'ont en effet pas tardé à comprendre que bon nombre de leurs clients historiques ne veulent plus financer les banalités présentées à dose industrielle dans leurs powerpoints sans saveur — sauf celle, vinaigrée, du combat entre 5 polices de caractères et 20 couleurs principales. Et que par conséquent il leur faudrait aller faire leur marché méthodologique ailleurs.
Bon nombre de leurs clients donc, dont les marges se sont effritées par le jeu de la concurrence ou dont la technologie ne permet plus de se différencier, commencent à voir leur planche de salut dans ce truc de papier glacé : le design. Un truc qui, semble-t-il, permet de créer des expériences désirables, d'incarner l'essence de leur marque et d'établir une relation de confiance avec les usagers ou utilisateurs. Un truc, en somme, qui permet d'élaborer des produits et services raffinés qu'ils vont pouvoir vendre dans la durée. Un truc, même, dont des élus se sont saisis pour repenser leur relation avec le peuple, trop contents de montrer qu'ils s'intéressent à leurs concitoyens.
nul n'aurait jamais dû imaginer qu'il allait découvrir comment (re-)dessiner une poignée de porte sans observer la manière dont elle est, ou serait, employée
C'est là d'ailleurs l'une des caractéristiques du design moderne, exploitée par les tenants du design thinking : “l'approche centrée utilisateur”. Nos chers consultants, pendant leurs formations accélérées au design thinking, se voient ainsi enjoints de toute urgence à sonder les utilisateurs régulièrement pendant le processus de conception. À tester des prototypes auprès d'eux. À faire preuve d'empathie, à se placer dans leurs chaussures. En somme une approche de bon sens… car franchement, sauf à en faire une posture artistique, nul n'aurait jamais dû imaginer qu'il allait découvrir comment (re-)dessiner une poignée de porte sans observer la manière dont elle est ou serait employée : avec une main mouillée dans une salle de bain ? Par des enfants de moins de 3 ans ? Au travers d'un gant en cotte de maille ? En apesanteur ?..."
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L'auteur
Matthieu Savary
Directeur Général, Partner — Head of the digital interactions lab
Formé à l'Ensci-les Ateliers (Paris) et au Media Lab Helsinki (Finlande), dans le métier depuis plus de 15 ans, Matthieu Savary a co-fondé User Studio en 2009 et en dirige notamment le lab digital. Creative technologist aguerri, développeur de nombreuses applications mobiles et dispositifs interactifs tangibles, auteur d'articles de recherche dans le domaine des Interactions Homme-Machines (CHI 2013, NIME 2012-2014, Adobe, Influencia, Designers Interactifs…), enseignant et conférencier (Pompidou, Gaîté Lyrique…), il est l'expert des questions qui allient design et technologies numériques au sein d'une agence dont l'ADN digital vient incarner de manière presque systématique les projets. Rompu à la mise en œuvre de réflexions créatives sur les sujets les plus complexes et les plus incongrus, il met à contribution sa capacité d'abstraction et de synthèse dans la recherche de propositions pertinentes, désirables et innovantes pour inventer les services de demain.